Je vous présente ici le texte d'une maman à son fils. Je la remercie pour ce partage. D'autres parents pourront certainement s'y reconnaître. En effet, la perte d'un enfant est bien particulière. Elle va à l'encontre de l'ordre des choses. Cette maman a su vivre avec, malgré la souffrance immense qu'elle a traversée. Son fils fait encore partie de sa vie, car elle nourrit son souvenir à chaque instant.
"Nicolas,
Déjà 18 ans que tu nous as quittés. C’est à la fois long et je me souviens de ce jour comme si c’était hier. Je me refuse à repenser à tous ces jours douloureux qui ont suivi ton décès.
Si j’ai choisi de t’adresser cette lettre c’est que le 05 août prochain tu aurais eu 40 ans.
Je ne peux m’empêcher d’essayer de m’imaginer ce que serait ta vie si tu étais encore de ce monde.
Aurais-tu obtenu ton bac pro en vente (je pense que oui car tu étais très motivé) ? Quel métier exercerais-tu et où ? A l’époque tu étais passionné par la lecture et tu lisais tous les genres (des mangas japonais aux grands auteurs français).
Dans quelle ville vivrais-tu et où : maison ou appartement, locataire ou propriétaire ?
Serais-tu en couple ou même marié ? Aurais-tu des enfants ?
Comment te comporterais-tu avec tes neveux et nièce ? Les rapports avec ton frère seraient-ils plus sereins ?
Récemment, j’ai relu le Petit Prince (ton livre fétiche) et je me suis demandé comment interpréter la fin : avec le serpent qui le mord et son corps qui disparaît. Suicide ou mort naturelle ? Un peu comme pour toi : il a fallu faire une autopsie car les causes de ton décès n’étant pas connues, il y a eu un enquête de gendarmerie. Les résultats n’ont pas été très concluants. Ils ont juste fait ressortir qu’il n’y avait aucune surdose de médicaments dans ton corps (tu prenais tant de médicaments pour soigner ton épilepsie). Après ton décès, papa a rencontré un neurologue qui lui a révélé que le décès par arrêt cardiaque soudain est la cause la plus fréquente chez les épileptiques. Il a fallu que nous nous contentions de cette explication.
Je me souviens également que lorsque tu étais petit (vers l’âge de 6-7 ans) tu nous avais dit que tu ne voulais pas devenir grand. Pressentais-tu déjà les difficultés que tu allais rencontrer à cause de cette maladie ?
J’ai souvent l’impression que je n’ai pas intégré (ou pas accepté) le fait que tu sois mort. Je pense que c’est dû au fait que ton décès a été si soudain que je n’ai évidemment pas eu le temps de m’y préparer. Lorsque je vais au cimetière, je lis ton nom sur la pierre tombale mais ça n’est qu’un nom de plus dans ce lieu. Je prends soin des fleurs qui fleurissent ta tombe mais c’est plus un geste machinal qu’une véritable prise de conscience.
Et puis il y a tous ces signes qui me ramène vers toi. Tous ces Petits Princes que je vois dans des endroits totalement incongrus. Lorsque cela arrive, nous nous regardons avec papa et pensons que tu es là près de nous.
Et lorsqu’il nous arrive quelque chose de bien (ou comme lors de mes problèmes de santé qui se sont bien terminés) je pense qu’une petite étoile veille sur nous.
Lors de ma maladie, lorsque j’ai pensé que je pouvais mourir, j’ai tout de suite pensé que j’allais peut-être enfin te revoir et te dire combien tu m’as manqué. Mais il en a été autrement et il va falloir encore que je patiente avant de te revoir.
Je te dis donc à bientôt et je t’aime de tout mon cœur.
Ta maman"
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